Greuze a été qualifié non sans raison de peintre de la bourgeoisie ; les sujets de ses peintures sont presque tous empruntés à la vie quotidienne de la classe moyenne. On a souvent écrit que le talent de Greuze était limité et ce n'est pas sans réticences qu'historiens et critiques d'art admettent ses dons extraordinaires de dessinateur et de portraitiste. Une grande partie de son œuvre témoigne, il est vrai, d'une volonté moralisatrice assez systématique ; il est, par ailleurs, difficile de préciser dans quelle mesure Greuze, indépendamment de ses intérêts propres, joua volontairement un rôle d'éducateur. Opportuniste, Greuze n'assuma peut-être cette fonction que parce qu'elle lui valait de solides avantages. Bien que sa tournure d'esprit soit aux antipodes de celle de Boucher par exemple dont les compositions décoratives et d'inspiration légèrement érotique ont pour seul but de plaire et de flatter l'œil, il n'en est pas moins vrai que les jeunes filles peintes par Jean-Baptiste Greuze ne sont pas l'image idéale de l'innocence.
Né en 1725, à Tournus, Jean-Baptiste Greuze fit montre, dès son jeune âge de dons peu communs de dessinateur. Son père le mit en apprentissage, à Lyon, à chez le peintre Grandon ; le jeune homme dut peindre, chaque jour, une toile selon la technique des anciens maîtres. L'ambition poussa Greuze à se rendre à Paris où, élève de Natoire, il commença sa carrière. En 1755, un diplomate l’emmena en Italie mais il ne semble pas que les témoins de l'Antiquité gréco-romaine, aient fait, contrairement à nombre d'artistes, grande impression sur Jean-Baptiste Greuze ; les scènes de la vie quotidienne, les mœurs et les coutumes de la population italienne l'intéressaient bien plus. En 1761, le portrait qu'il fit de son épouse fut le premier d'une longue série de portraits de femmes et de jeunes filles qui correspondaient à l'idée qu'on se faisait alors de la beauté et de la grâce.
En 1769, Greuze exposa au Salon une toile à sujet historique dont il espérait qu'elle lui ouvrirait les portes de l'Académie et qu'elle constituerait une « consécration». Greuze fut, au contraire, violemment attaqué ; peintre de genre, on le priait de se contenter de scènes de la vie quotidienne. Cruellement déçu, Greuze refusa dès lors de participer aux expositions officielles et se chargea lui-même de la vente de ses œuvres. D'ailleurs les commandes affluaient ; portraits et tableaux de genre entraient, de plus en plus nombreux, dans les collections et les galeries princières européennes.
Opportuniste, Greuze se mit au goût du jour ; lui-même donnait le ton dans une certaine mesure et il était bien vue, dans la bourgeoisie, de posséder des gravures exécutées d’après les tableaux de Greuze. Sa popularité ne survécut pas aux troubles révolutionnaires et il mourut, oublié, à Paris, en 1805.